Tutorat Échafaudé

Bambous, lien horticole, corde rouge, pierre de taille,
11,50 x 16 x 7 mètres,
2021.

Création spécifique à La Bambouseraie en Cévennes.

Ce projet tire son inspiration des structures échafaudages en bambous que l’on peut voir en Asie notamment. Ces assemblages précaires se retrouvent dans des milieux urbains pour la construction de bâtiments actuels. Un décalage fascinant naît entre ces échafaudages, faits de tiges végétales d’origine ancestrale, et ces géants de béton moderne, qu’ils enserrent.

Ces éléments modestes et éphémères servent donc à bâtir certains mastodontes architecturaux contemporains des plus impressionnants. Comme un témoignage de l’Histoire de l’Homme où les temps se confrontent et s’associent, exprimant une relation où l’éphémère, l’irrégulier, le souple, le bricolé (dans une sorte d’urgence ou du moins dans un temps court) permettent le pérenne, le dur, le solide.

Ici, cette construction de bambous cerne un sujet vivant et végétal, un arbre (« Cornus Controversa ») ; apparaît alors un paradoxe, comme si un arbre avait besoin d’un échafaudage pour être bâti… par un être humain, comme s’il nécessitait une assistance extérieure. Avec humour, ne pourrait-on dire qu’il se trouve prêt pour l’entretien, un ravalement de façade, ou pour la pose et la dépose des feuilles avant et après l’hiver, convoquant ainsi l’artificialité. Un élément d’architecture de type urbain se trouve amené dans cet espace botanique luxuriant, néanmoins entretenu et construit par la volonté humaine, puisque plusieurs espèces ont été importées pour créer cette magnifique « bulle verte », la Bambouseraie.

Le rapport Nature-Culture inhérent à notre existence se trouve ainsi convoqué. Il existe une forme de contrôle de l’être humain sur la nature, et dès lors se pose la question de ce qui est véritablement naturel. Paradoxalement, l’humanité ne tire ses leçons et son potentiel que de celle-ci ; s’établit alors une relation d’équilibre, le plus souvent de rapport de force, renvoyant perpétuellement l’une à l’autre.

Cette notion de contrôle et d’entraide pourrait être illustrée par l’image du tuteur, ici figurée par l’inclinaison oblique du tronc du « Cornus, » que l’on n’aperçoit pas de face, et des tiges droites dressées qui l’entourent. À ces verticales, qui répondent aux lignes érigées des bambous en arrière-plan, s’associent des horizontales, peu présentes dans le parc. Un effet presque cinétique s’enclenche lors d’un déplacement au même titre que le balayage des lignes opère visuellement avec les forêts de bambous en marchant.

Ces lignes deviennent néanmoins organisées voire normalisées. Un motif strict, une trame géométrique, se dessine et rationalise l’espace. Leur assemblage régulier en quadrillage forme une grille en trois dimensions, presque une cage. Cela m’évoque également une estampe, présente dans un ouvrage*, illustrant l’époque des découvertes botaniques outre-mer où les espèces végétales se trouvaient, pour leur voyage d’importation, mises dans des cages ou caisses de transport, renvoyant ainsi à la question du sauvage et du dompté.

*Passions botaniques – Naturalistes voyageurs au temps des grandes découvertes. Collectif, Rennes, Éditions Ouest France, 2008.

(Texte Présent dans le « Carnet d’artistes » édité par La Bambouseraie – 2021.)

Esquisses du projet Tutorat Échafaudé, 13 x 20,5 cm, 2020.