Extension
Bois de récupération, vis,
2 x 1,30 x 7 mètres,
2014
Création spécifique à l’Usine Utopik – Centre de Création Contemporaine à Tessy-sur-Vire – Basse Normandie – Résidence #31. – Festival des bords de Vire – Parcours art et environnement #2.
« C’est à partir du corps que se perçoit et que se vit l’espace, et qu’il se produit. » Henri LEFEBVRE, La production de l’espace, 1974.
Anaëlle PIRAT-TALUY, critique d’art en résidence à l’Usine Utopik :
» Architecte du quotidien
A partir de briques de bois collectées dans une entreprise locale de matériaux de bâtiments, Simon AUGADE a construit une extension au Moulin Hébert. C’est un long couloir, sombre, d’une solidité qui semble toute relative, qui nous mène sur l’ancienne porte maintenant murée de la vieille bâtisse. Au bout du couloir, nous nous trouvons alors face au mur, et s’offre à nous le choix de rester un moment devant cette issue bouchée ou de faire demi-tour.
Cette excroissance hasardeuse du Moulin et le travail demandé pour sa réalisation semblent alors bien vains. On devine les efforts laborieux déployés par l’artiste qui s’est improvisé maçon et a bâti seul, brique après brique, sa construction de fortune, mais celle-ci ne possède pourtant pas les propriétés habituelles de fonctionnalité et d’agrément qu’on donne généralement aux extensions d’une maison.
Simon AUGADE propose sa propre conception de l’architecture : une conception opposée à l’idée de spécialisation du travail et à la normalisation du quotidien, qu’il exerce dans une pratique de détournement de ses fonctions utilitaires et par la réalisation de sculptures parasitaires et précaires installées au sein même des lieux publics.
C’est une architecture conçue contre la vision de « machine à habiter » prônée par LE CORBUSIER, où l’existence humaine est réduite à une série de besoins primaires.
Simon AUGADE démontre, par l’inutilité notoire de son œuvre, que l’on peut réfléchir sur l’agencement de nos espaces quotidiens et briser les conventions urbanistiques selon nos propres désirs et usages.
Et il démontre aussi, par sa propre incompétence et son apprentissage empirique de la maçonnerie, et par l’usage de matériaux locaux et de récupération (dans l’ensemble de son travail on trouve des éléments de maisons, des choses trouvées sur le terrain, recyclées, détruites et réutilisées, des matériaux rejetés par la ville) que la réflexion sur les systèmes architecturaux et la prise de pouvoir sur les espaces publics et privés sont abordables par tous.
Chaque construction, chaque plan urbain ou rural, devrait être ouvert sur le possible et permettre à chacun, au gré de ses envies, des rencontres et de la force des lieux, de réinventer sa vie à travers une série indéfinie d’expérimentations. Simon AUGADE en réagençant l’espace, propose d’expérimenter de nouveaux comportements du corps et de réinventer les espaces de tous les jours à partir de ces expérimentations.
En nous mettant face au mur, il nous met ainsi face à l’absurdité des murs que l’on se crée, cloisons mentales qui nous font avancer dans le noir et cloisons réelles qui délimitent et contrôlent nous espaces quotidiens. «
Dessin d’intention Extension, 13,5 x 21,5 cm, 2014.